A l’issue de deux semaines de négociations, la présidence britannique a annoncé ce samedi 13 novembre l’adoption du pacte de Glasgow pour le climat comme décision finale de la COP26. Un compromis adopté non sans difficultés par les quelque 200 États parties à la convention climat (CCNUCC). Quel bilan peut-on en tirer, en particulier pour l’océan ?  

 

Une forte mobilisation qui ancre l’océan dans les négociations climatiques 

Dans cette COP où la Nature était pour la première fois aussi présente, la communauté océan s’est fortement mobilisée, comme en témoigne la Déclaration « Océan pour le Climat » soutenue par plus de 100 organisations de la société civile – ONG, scientifiques, entreprises, organisations internationales. Une mobilisation qui a porté ses fruits et qui a notamment permis à l’océan d’être mentionné dès le préambule du pacte de Glasgow, soulignant « l’importance de garantir l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les forêts, l’océan et la cryosphère […] ». Des écosystèmes marins également reconnus comme « puits de carbone » dans l’article 21 de la décision finale, qui souligne l’importance de la protection, de la conservation et de la restauration des écosystèmes terrestres et marins dans la réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES). Il s’agit d’un véritable pas en avant qui vient renforcer la reconnaissance des liens intrinsèques entre l’océan, le climat et la biodiversité et la nécessité de les aborder conjointement dans les processus internationaux sur le climat et la biodiversité. 

 

Sur le plan institutionnel, l’article 60 de la décision finale (1/CP.26) invite les différents programmes de travail et organes constitués dans le cadre de la CCNUCC à intégrer et renforcer les actions fondées sur l’océan dans leurs mandats et feuilles de routes et à rendre compte de ces activités dans le cadre des processus de reporting existants. L’article 61 prévoit quant à lui l’organisation dès juin 2022 d’un dialogue « océan-climat » annuel sous l’égide de l’organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique, connu sous le nom de SBSTA. Une décision chaleureusement accueillie par la communauté océan qui appelait à ce qu’une telle mesure soit prise dans le cadre de cette COP afin d’institutionnaliser la place de l’océan au sein de la convention climat. Un belle avancée permise par un important effort de concertation, à l’initiative des Fidji et des Etats Unis, en amont de la COP 26 afin de mobiliser des pays clés de la coalition des Amis de l’Océan et du Climat (“Friend of Ocean and Climate”) pour porter cette ambition commune pour un dialogue récurrent. 

 

Un certain nombre d’États se sont également engagés pour l’océan, comme en témoignent la vingtaine de pays ayant signé la 3e déclaration « Because the Ocean »,  les États-Unis qui ont rejoint le « High Level Panel for a Sustainable Ocean Economy », ou encore l’engagement des Présidents de la Colombie, du Costa Rica, de l’Équateur et du Panama de renforcer la protection du Corridor marin du Pacifique tropical oriental, l’un des corridors les plus vastes et les plus riches du monde sur le plan biologique.

 

Le 5 novembre, lors de la journée de l’action sur l’océan (“Ocean Action Day”), co-organisée par la Plateforme Océan & Climat et les Champions du Climat dans le cadre du Partenariat de Marrakech, plus de quarante experts ont pris part aux discussions sur le déploiement des solutions fondées sur l’océan pour assurer un futur décarboné, résilient et respectueux de la Nature. Le Royaume-Uni a également annoncé une contribution de 6 millions de livres sterling à PROBLUE, un fond de la Banque Mondiale qui finance des projets liés à la protection de l’océan et l’économie bleue.

 

Bien que l’océan fasse l’objet d’une reconnaissance accrue pour son rôle dans l’atténuation et l’adaptation face au changement climatique, sa bonne santé reste particulièrement menacée par les activités humaines. Seule une réduction drastique des émissions de GES pour limiter le réchauffement à 1.5°C permettra de préserver l’intégrité de l’océan.

 

 

Malgré des avancées encore trop modestes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les règles de mise en oeuvre de l’Accord de Paris sont finalisées 

Alors que le maintien de l’objectif « 1,5°C » dans la décision finale a fait l’objet de négociations soutenues, plusieurs engagements ont été pris en faveur de la réduction des gaz à effet de serre. A ce titre, plus de 100 États se sont engagés à réduire de 30% d’ici 2030 leurs émissions de méthanedeuxième gaz à effet de serre 80 fois plus puissant que le CO2 sur une période de 20 ans – dans le cadre du « Global Methane Pledge ». Un accord sur le charbon a également été conclu par près de 200 acteurs (États, institutions financières, entreprises) pour sortir de cette industrie d’ici 2040. Toutefois, plusieurs États fortement dépendants au charbon n’ont pas rejoint cet accord compromettant sa réalisation dans la décennie à venir. 

 

Concernant les énergies fossiles, le sujet est pour la première fois mentionné explicitement dans les discussions pour le climat et la suppression progressive des subventions “inefficaces” en faveur des énergies fossiles est mentionnée dans la décision finale. Le texte initial prévoyait également d’inclure une « sortie progressive du charbon », jusqu’à ce que l’Inde, soutenue par la Chine, ne vienne affaiblir la portée du texte – passant d’une “sortie” à  une “réduction progressive”. Une vingtaine de pays dont le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, la Chine, le Japon et la Corée du Sud et la France ont toutefois rejoint un accord mettant fin aux financements à l’étranger de projets d’exploitation d’énergies fossiles d’ici fin 2022. Une nouvelle positive, mais dont la portée reste en deçà de l’urgence – considérant le dernier brief de Climate Action Tracker qui inclut les dernières annonces faites durant la COP26, le monde se dirigerait toujours vers un réchauffement de +2.4°C si tous les États respectaient leurs d’actions climatiques (NDCs) à 2030.

 

C’est aussi la première fois qu’une COP reconnaît et valorise véritablement le rôle des peuples autochtones et des communautés locales. Plusieurs gouvernements et fondations se sont ainsi engagés à investir 1,7 milliard de dollars pour soutenir les efforts des populations autochtones et locales dans la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité.

 

Concernant les marchés de carbone, il aura fallu attendre la COP de Glasgow pour que les négociations parviennent enfin à un consensus sur ce fameux article 6, après 6 ans de blocages consécutifs. Cet accord très attendu fournit les règles nécessaires à un marché du carbone transparent et responsable pour promouvoir une ambition climatique accrue et la mise en place d’une nouvelle voie pour les flux financiers des pays développés vers les pays en développement, mais fait aussi l’objet de réserves, notamment concernant le transfert des crédits générés via le protocole de Kyoto. La COP 26 a donc enfin permis de finaliser les règles de l’Accord de Paris (“Paris Rulebook”) et d’enclencher la prochaine étape cruciale de sa mise en œuvre.

 

Un bilan décevant pour le financement de l’action climatique

C’est avec une image forte qu’a débuté cette 26e conférence des Parties de la Convention climat : celle de Simon Kofé, Ministre des Affaires étrangères des Îles Tuvalu, prenant la parole depuis la mer pour mettre en lumière les conséquences de l’élévation du niveau de la mer sur les Petits États Insulaires en Développement (PEID). L’adaptation des pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique constituait en effet un des “points chauds” de cette COP26, et les conclusions n’ont pas été à la hauteur des attentes. Alors que 100 milliards de dollars devaient être débloqués en faveur des pays les moins développés chaque année dès 2020, cet objectif ne sera pas atteint avant 2023. La décision finale « incite » toutefois les États Parties « à au moins doubler, d’ici à 2025, leur contribution collective au financement de l’adaptation aux changements climatiques par rapport aux niveaux de 2019 ». 

L’issue des négociations sur les “pertes et dommages”, annoncées comme un enjeu majeur de cette COP, a  laissé un goût amer aux pays les plus vulnérables puisqu’aucun engagement pour mobiliser de nouveaux fonds dans le cadre d’un mécanisme spécifique n’a été acté – reportant ainsi cette question à la prochaine COP. 

 

Après 2 années d’attente dues à la pandémie de Covid-19 et plus de deux semaines de négociations, cette COP26 offre un bilan en demi-teinte. De nombreux sujets à l’arrêt depuis plusieurs années ont fait l’objet d’un consensus, et les sujets liés à l’océan et au nexus climat-biodiversité ont été particulièrement visibles lors de cette édition. Toutefois, les engagements des Etats restent insuffisants, qu’il s’agisse de l’atténuation, de l’adaptation ou de leur soutien financier dans la lutte contre le changement climatique. Des engagements qu’ils devront de ce fait revoir à la hausse dès 2022 afin de maintenir l’objectif des 1,5°C de l’Accord de Paris d’ici à la COP27 qui se tiendra en Egypte. Bien que les Etats Parties à la Convention Climat ne soient pas encore sur la bonne voie pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris, les progrès faits à cette COP26 constituent tout de même une base sur laquelle s’appuyer. Tout l’enjeu reste désormais de traduire les engagements en des actions concrètes.

 

Anaïs Deprez, Mariana Roudaut, Loreley Picourt