La pêche et l’aquaculture à l’épreuve du changement climatique :
Défis et perspectives

Les secteurs de la pêche et de l’aquaculture marine sont en première ligne face au changement climatique. Le GIEC alerte : « le réchauffement, l’acidification de l’océan et la poursuite des politiques actuelles de gestion des pêches placent 60% des pêches mondiales face à un très haut risque ». Ces secteurs sont pourtant pourvoyeurs d’emplois et de revenus, tandis que les ressources aquatiques sont indispensables à la sécurité alimentaire mondiale. Bien que la pêche ait historiquement représenté la principale source de production animale marine, elle est aussi devenue, au cours des cinquante dernières années, l’activité humaine la plus néfaste pour la biodiversité marine (IPBES). Depuis 2022, l’aquaculture a dépassé la pêche en termes d’approvisionnement, mais cette croissance rapide, associée à des pratiques non durables ont également de nombreuses conséquences sur les écosystèmes. Dans le contexte du changement climatique actuel, il est donc primordial d’assurer la transition des pratiques de pêches et d’aquaculture vers un modèle vertueux, plus durable pour la vie marine et désirable pour les sociétés qui en dépendent.

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Face à cette urgence, la Plateforme Océan & Climat et ses membres publient “La pêche et l’aquaculture à l’épreuve du changement climatique : défis et perspectives”. 

Changement climatique, pêche et aquaculture : des impacts combinés et en cascade sur les écosystèmes marins

Sous l’effet du changement climatique, de la pêche et de l’aquaculture, les écosystèmes marins subissent des pressions inédites. La hausse des températures, l’acidification et la désoxygénation de l’océan aggravent les impacts déjà sévères de la surexploitation des ressources, rendant ces milieux et les secteurs d’activité associés de plus en plus vulnérables.

L’utilisation d’engins de pêche peu sélectifs et destructeurs pour les fonds marins, la dégradation des écosystèmes côtiers, l’introduction de polluants, de pathogènes et d’espèces invasives via l’aquaculture restent encore trop souvent liées aux pratiques actuelles de ces secteurs.

Les conséquences ne concernent pas seulement les espèces de poissons mais également leurs habitats, et via les réseaux trophiques l’ensemble du vivant en mer comme sur terre. Depuis les dernières décennies, l’abondance globale des espèces a ainsi largement diminué. En parallèle, la distribution des populations de poissons change radicalement et leur taille diminue, tandis que la biodiversité s’érode.

© Natacha Bigan

La pêche se retrouve dans une situation paradoxale : face à la diminution des ressources côtières, elle intensifie ses efforts techniques et étend ses activités vers la haute mer et les grandes profondeurs, cherchant à capturer des stocks qui ne cessent de s’amenuiser. Si l’aquaculture connaît une forte croissance depuis les années 1990, elle n’est pas épargnée par les chocs climatiques fréquents. Elle dépend d’ailleurs fortement des activités de pêche pour assurer l’alimentation des élevages d’espèces piscivores qui utilisent des farines et des huiles de poissons obtenues à partir d’organismes marins pêchés comme le krill.

Des impacts qui varient à travers le monde

À l’échelle mondiale, les impacts du changement climatique et de la pêche sur la vie marine évoluent et varient selon les régions. Les effets du changement climatique s’intensifient avec l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, tandis que la pêche continue d’exercer des pressions significatives sur les écosystèmes marins. Certaines populations, en particulier celles qui dépendent directement des ressources marines pour leur alimentation, se révèlent plus vulnérables face à ces défis.

© Natacha Bigan

Des sociétés humaines en première ligne

En définitive, ce sont également les sociétés humaines, leurs économies et leurs modes de vie qui sont bouleversés. La pêche et l’aquaculture ont déjà connu d’importants chocs économiques liés à des événements climatiques extrêmes. D’après le GIEC, les pertes de revenus de la pêche pourraient atteindre 15 milliards de dollars d’ici 2050 par rapport à 2000, si les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître

Les communautés littorales et celles qui dépendent directement de ces activités pour leur travail et leur alimentation sont en première ligne. L’instabilité accrue de la pêche et de l’aquaculture accentue la précarité des conditions de travail alors que ces secteurs figurent déjà parmi les plus dangereux au monde d’après l’Organisation Internationale du Travail. Pour les pays en développement, en particulier les États insulaires, ainsi que les communautés autochtones, le déclin des ressources marines représente une menace sérieuse pour la santé et la sécurité alimentaire. En 2017, la part des ressources halieutiques s’élevait à 50% de leurs apports en protéines animales.

Le déclin des petites pêcheries déstabilise tout un tissu local et peut également être facteur de tensions. Alors que le changement climatique mène à une redistribution mondiale des stocks de poissons et à d’importantes fluctuations de leur abondance, des conflits sur le partage des ressources peuvent émerger. Ce fut par exemple le cas en Europe autour des quotas d’exploitation du maquereau.

Inverser la tendance, adapter les secteurs de la pêche et de l’aquaculture

Adapter les secteurs de la pêche et de l’aquaculture aux changements globaux est à la fois indispensable et inévitable.

© Natacha Bigan

Les solutions d’adaptation doivent placer les écosystèmes au cœur des pratiques. Le renforcement et l’extension des Aires Marines Protégées, l’utilisation d’engins plus sélectifs et moins impactants sont des pistes essentielles pour développer une approche écosystémique des pêches. De même, développer l’aquaculture multi-trophique intégrée peut renforcer l’efficacité de ces systèmes tout en réduisant les pressions sur les milieux.

Si des solutions techniques existent, elles ne peuvent pas à elles seules résoudre les problématiques actuelles. Pour être durable, la transition des secteurs doit inclure des transformations sociétales et institutionnelles profondes. Cela implique de s’appuyer sur la science, les connaissances locales et autochtones, et d’établir une gouvernance inclusive et coopérative, renforcée en moyens et en capacités. L’adaptation de la pêche et de l’aquaculture, plus qu’une nécessité, offre l’opportunité de construire collectivement un futur plus durable et désirable en faveur du climat, de la biodiversité et des sociétés humaines.

A propos de la publication

Destinée aux décideurs politiques et au grand public, cette publication vise à renforcer l’appropriation des connaissances scientifiques relatives aux interactions entre l’océan, le climat et la biodiversité en abordant une thématique à la croisée de ces enjeux : la transition des pêches et de l’aquaculture. 

Élaborée en collaboration avec le réseau scientifique et les experts en médiation scientifique de la POC, cette publication décrypte les principales conclusions des grands rapports scientifiques (GIEC, IPBES, FAO, WOA2). Elle examine les impacts combinés du changement climatique, de la pêche et de l’aquaculture sur les écosystèmes marins et les sociétés humaines, tout en mettant en avant des pistes d’adaptation pour garantir un avenir résilient et durable de ces secteurs.

Autrices de l’article : Maud Chevalier, Anaïs Deprez, Sarah Palazot