PÊCHE ET CHANGEMENT CLIMATIQUE
De nombreux travaux scientifiques démontrent que les conséquences du changement climatique sur l’océan affectent déjà la pêche maritime. Des espèces tropicales apparaissent sur nos côtes, tandis que plusieurs espèces d’eau froide sont moins abondantes.
Dans les décennies qui viennent le réchauffement et l’acidification de l’océan risquent de nuire à la croissance et à la reproduction de nombreux organismes marins, réduisant les stocks disponibles pour de nombreuses espèces commerciales importantes. Par exemple, les coquillages (huîtres, moules…) sont particulièrement sensibles à l’acidification. De même, certaines prévisions font état d’une disparition quasi totale des écosystèmes coralliens dans les zones tropicales à l’horizon 2050, écosystèmes pourtant essentiels pour l’économie des petites îles et l’alimentation humaine. Le changement climatique va également impacter les communautés bactériennes et phyto-planctoniques, qui sont centrales dans la chaîne alimentaire marine. Ainsi, si nous continuons à émettre des gaz à effet de serre au rythme actuel, les changements attendus avant la fin du siècle, en matière de biodiversité marine, pourraient être d’une ampleur comparable à ceux intervenus au cours des 20 ou 30 millions d’années qui nous ont précédés.
À l’échelle mondiale, les modèles* aujourd’hui disponibles prévoient des modifications très significatives de la production primaire* des océans, qui est à la base de la majorité des chaînes alimentaires. La productivité globale des océans devrait augmenter dans les régions polaires, mais diminuer de manière importante en zone intertropicale, ce qui affectera les pêcheries. À proximité des pôles, les captures de poissons pourraient augmenter de 30 à 70 %, favorisant des pays comme la Norvège, l’Islande, la Russie ou l’État de l’Alaska. En zone intertropicale au contraire, les captures pourraient diminuer de 10 à 40 %, avec des répercussions considérables pour des pays proches, fortement dépendants de la pêche, comme le Pérou, l’Angola, le Bangladesh, l’Inde, le Vietnam ou l’Indonésie. Les prédictions concernant l’Afrique sont plus incertaines, mais plusieurs études scientifiques prévoient une véritable crise des pêches, aggravant les inégalités politiques et économiques nord-sud. Les impacts en Europe devraient être relativement limités, légèrement positifs pour les pays du nord, et négatifs pour ceux du sud.
En réponse aux modifications des conditions de vie dans l’océan, les modèles* prévoient un déplacement vers les pôles de la plupart des espèces exploitées. D’ici 2050, ces déplacements se chiffreront en centaines de kilomètres. Ce changement devrait notamment favoriser les espèces à vie courte, plus abondantes dans les eaux tropicales, avec des répercussions sur le fonctionnement des écosystèmes qui sont encore mal connues. Ainsi, les espèces capturées ne seront en partie plus les mêmes à l’échelle mondiale. C’est particulièrement le cas dans les régions tempérées, où l’arrivée des espèces à affinité tropicale devrait s’accélérer, alors que d’autres espèces de poissons européens seront comme repoussées vers le nord. C’est par exemple le cas de la morue, dont le stock de mer du Nord est déjà en régression, alors que le stock de la mer de Barents, plus au nord, se développe.
Les pêcheurs devront s’adapter aux conséquences du changement climatique sur les stocks de poissons et leur répartition géographique, en changeant de modes d’exploitation, parfois d’engins, de calendriers et de zones de pêche. Les politiques publiques de gestion, de contrôle et de gouvernance devront également être repensées, pour que les efforts entrepris pour reconstituer les stocks de poissons depuis plusieurs dizaines d’années ne soient pas remis en cause. Un exemple de mauvaise gestion est celui de la morue du golfe du Maine, dont le stock s’est récemment effondré parce que les quotas de pêche* avaient été déterminés sans tenir compte du réchauffement climatique. Il va donc falloir apprendre à évoluer en permanence, et cette adaptation aura un coût et ne se fera pas sans difficultés.
Limiter les émissions de CO2 est donc un enjeu majeur, pas seulement pour atténuer les changements en cours, mais aussi pour en réduire la vitesse et donner une (petite ?) chance aux écosystèmes de s’adapter. À l’inverse, des évolutions trop rapides rendraient plus difficiles, voire largement inefficaces, tous les processus d’adaptation que mettent en place les humains, pour eux-mêmes et pour les écosystèmes. Des évolutions chaotiques et des situations de crises exacerbées seraient alors à prévoir, en particulier pour le monde de la pêche.
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