La COP28 est la conférence sur le climat la plus importante depuis la COP21. Huit années après l’adoption de l’Accord de Paris, il est temps de faire état de l’action climatique dans le cadre du premier Bilan Mondial. Les premières conclusions de son évaluation technique sont sans appel : le monde est loin d’être sur la bonne voie pour limiter le réchauffement global à 1.5°C. Alors que l’océan offre de nombreuses opportunités pour contribuer aux objectifs climatiques, tant en matière d’atténuation que d’adaptation, il est impératif qu’il soit pleinement intégré dans les conclusions politiques du Bilan Mondial, et dans les réponses qui en résulteront. 

 

Le Bilan Mondial : un outil pour guider l’action mondiale face à la crise climatique

Face à l’impératif de réhausser l’ambition climatique, la phase finale du Bilan Mondial, qui doit se conclure lors de la COP28, permettra de définir la réponse politique aux conclusions de l’évaluation technique afin de s’aligner au mieux avec les objectifs de long-terme de l’Accord de Paris. En présentant des pistes d’action viables et fondées sur la science, le Bilan Mondial devrait permettre aux Etats d’aligner leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) aux objectifs de l’Accord de Paris. 

À propos du Bilan Mondial

Le Bilan Mondial - ou Global Stocktake en anglais - est un processus institué par l’Article 14 de l’Accord de Paris. Il se déroule sur deux ans et en trois phases : (1) La collecte et préparation des informations ; (2) L’évaluation et dialogue technique ; (3) L’analyse des résultats. Le Bilan Mondial prend en considération des informations dans trois domaines thématiques : l'adaptation, l'atténuation, les moyens de mise en œuvre. Il est réalisé en tenant compte de l'équité et des meilleures connaissances scientifiques disponibles. Bien que ce soit un processus conduit par les États-Parties à la CCNUCC, les acteurs non étatiques sont également invités à y contribuer.

Un “Bilan mondial” sera réalisé tous les cinq ans, permettant ainsi une évaluation régulière de la progression de l’action climatique globale en faveur de l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris. Les résultats du Bilan Mondial doivent notamment permettre d’orienter et de réhausser l’ambition des stratégies nationales climatiques, exprimées à travers l’identification et la révision de Contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de la CCNUCC. 

Dans cette optique, et afin de participer à l’effort d’inventaire que constitue le Bilan Mondial, la Plateforme Océan & Climat et ses partenaires, Conservation International, Rare, The Nature Conservancy, UICN, Wetlands International et WWF International, ont analysé la prise en compte des solutions fondées sur la nature marines et côtières dans les stratégies climatiques des Etats, entre 2015 et 2023 (correspondant au premier cycle de révision des CDN). Les conclusions démontrent une intégration croissante de mesures d’atténuation et/ou d’adaptation, telles que la protection des écosystèmes côtiers de carbon bleu, la mise en oeuvre d’aires marines protégées, ou encore une gestion de la pêche plus résiliente aux impacts du changement climatique, ainsi que les co-bénéfices économiques et sociaux qui en découlent. Une tendance qui pourrait être encore renforcée d’ici au prochain cycle de révision, prévu en 2025, si le Bilan Mondial intégrait l’océan dans ses conclusions, favorisant ainsi le développement de directives pour accompagner les Etats.

 

Les premières conclusions du Bilan Mondial alertent sur l’insuffisance de l’action climatique 

Alors que les conclusions politiques du Bilan Mondial doivent être adoptées à la COP 28, le rapport de synthèse du dialogue technique, publié par la Convention Climat en septembre dernier, donne le ton : si l’Accord de Paris a “impulsé une action climatique quasi universelle”, la fenêtre d’opportunité pour limiter le réchauffement global à 1.5°C se referme rapidement. 

En matière d’atténuation, et s’appuyant sur les conclusions du Sixième Rapport d’Évaluation (AR6) du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), l’évaluation technique rappelle la nécessité de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 43 % d’ici 2030 et de 60 % d’ici 2035, par rapport aux niveaux de 2019, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour ce faire, le rapport du dialogue indique qu’une transformation systémique “dans tous les secteurs et dans tous les contextes est nécessaire”. À cet égard, le développement des énergies renouvelables et l’élimination progressive de “tous les combustibles fossiles sans dispositif d’atténuation” sont identifiés comme indispensables pour soutenir cette transformation.

Les efforts sont également jugés insuffisants en matière d’adaptation, y compris pour les pertes et préjudices. En effet, malgré une ambition croissante en termes de plans d’actions et d’engagements, “la plupart des mesures d’adaptation examinées sont fragmentées, progressives, sectorielles et inégalement réparties entre les régions”. Le rapport apporte également des éléments sur les tendances globales en matière d’adaptation à l’élévation du niveau de la mer. Ce dernier mentionne l’apport de moyens de subsistance alternatifs pour les populations côtières et l’amélioration de la gestion des inondations comme des exemples de bonnes pratiques. Il mentionne également l’adaptation fondée sur les écosystèmes, les solutions fondées sur la nature et les systèmes d’alerte précoce comme des approches pouvant répondre à divers risques, et à différents secteurs. Enfin, il mentionne l’importance de la coordination de ces actions aux échelles locales, nationales, régionales et internationales pour favoriser leur efficacité.

Des éléments qui convergent avec les recommandations du plaidoyer Sea’ties de la Plateforme Océan & Climat pour adapter les villes côtières à l’élévation du niveau de la mer. Soutenu par 80 organisations à travers le monde, ce plaidoyer identifie 4 axes prioritaires d’action : la mise en œuvre de solutions de long terme adaptées aux contextes locaux, la prise en compte de la justice sociale, le développement de nouvelles connaissances, et la construction d’un modèle financier solidaire et adapté aux villes côtières. Dans le cadre de la CCNUCC, il appelle notamment à ce que l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer soit pleinement considérée dans les cadres du Fonds pour les pertes et préjudices, de l’Objectif mondial sur l’adaptation et du Bilan Mondial.

 

Pilier de la régulation du climat,  l’océan pourtant absent des premiers messages clés émergents du Bilan Mondial

Malgré des signaux positifs quant à une meilleure prise en compte des solutions issues de l’océan, illustrée tant bien dans les stratégies climatiques des Etats que par la mobilisation croissante des acteurs non-étatiques, l’océan était à la marge des discussions tenues lors du dialogue technique du Bilan Mondial, et absent des messages clefs qui en ont émergé. Cette lacune pourrait avoir des répercussions sur le résultat politique du Bilan Mondial, qui prendra la forme d’une décision de la 5e Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA 5). Afin d’y pallier, la POC, en collaboration avec Ocean Conservancy et 9 partenaires, a publié une série d’options à destination des Etats pour intégrer l’océan dans la décision du Bilan Mondial, proposant notamment des éléments de langage pour chaque section de la décision en cours de négociation.   

 

Les Ocean Breakthroughs, un plan d’action concerté et ambitieux pour répondre aux conclusions du Bilan Mondial 

Au-delà des conclusions du Bilan Mondial, la réponse politique qui en émanera devra faire impérativement faire preuve d’ambition. Afin de soutenir et d’accompagner l’action, la communauté océan, unie sous le Partenariat de Marrakech pour l’Action Climatique Mondiale, avec le soutien des Champions de Haut Niveau pour le Climat de l’ONU, a lancé les Ocean Breakthroughs

Avec pour ambition d’accélérer les efforts et les investissements en faveur de l’action océan-climat, ils couvrent cinq secteurs clés, allant de la conservation marine au transport maritime, en passant par le tourisme côtier, les énergies marines renouvelables et l’alimentation aquatique. Pour chaque secteur, ont été élaborés des objectifs quantifiables, fondés sur la science, à atteindre d’ici 2030 pour assurer un océan sain et productif en 2050. 

 

Lors de la COP28, ces cinq piliers d’action seront au cœur de la mobilisation internationale, notamment dans le cadre de la Journée dédiée à la Nature et à l’Océan, le 9 décembre, au cours de laquelle un événement de haut-niveau “Powering Ocean Breakthroughs with 100% Sustainable Ocean Management” sera organisé conjointement par la Présidence de la COP28, le Groupe d’experts de haut niveau pour une économie océanique durable, les Champions de Haut Niveau pour le Climat de l’ONU et la Plateforme Océan & Climat (14h00-15h30 (GST), Al Waha Theatre). L’ensemble des gouvernements et des acteurs non-étatiques est appelé à rejoindre l’effort collectif initié par les Ocean Breakthroughs. Comme un phare dans la nuit, ils doivent servir de boussole afin d’accélérer les efforts d’atténuation et d’adaptation dans l’intérêt de la Nature et des Peuples.  


Au-delà de l’exercice d’inventaire et d’évaluation de l’action climatique du Bilan Mondial, nécessaire afin de redresser le cap, les conclusions de ce processus devront avant tout susciter une réponse politique à la hauteur de l’urgence. À cet égard, il est indispensable que les nombreuses solutions offertes par un océan en bonne santé, telles qu’elles sont présentées dans les Ocean Breakthroughs, soient pleinement prises en considération dans l’action climatique internationale. Les enjeux d’adaptation tiendront également une place importante dans les négociations, puisque cette COP devra voir l’adoption d’un cadre pour l’objectif mondial pour l’adaptation et avancer sur la concrétisation du Fonds pour les pertes et préjudices. Dans cette perspective, et face à la vulnérabilité croissante des populations côtières, il sera également essentiel que les recommandations proposées dans le plaidoyer Sea’ties pour adapter les villes et territoires côtiers à l’élévation du niveau de la mer soient prises en considération. Le temps presse, et les enjeux liés à l’océan doivent impérativement être mieux pris en compte pour mettre la communauté internationale sur la voie de la résilience. C’est pour porter ces différents enjeux que la Plateforme Océan & Climat et la communauté océan seront mobilisés une fois de plus à Dubaï.

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