Le lundi 11 novembre, la 29e Conférence des Parties (COP29) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) débutera à Bakou, en Azerbaïdjan. Avec des négociations centrées sur le financement climatique, cette conférence constitue un moment clé pour faire progresser l’ambition climatique mondiale, puisque les Parties doivent s’entendre pour remplacer l’objectif actuel de mobilisation de 100 milliards USD par an par un Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NOCQ). Cet engagement renouvelé envers l’Accord de Paris sera essentiel, à l’heure où les Etats doivent soumettre de nouvelles stratégies, plus ambitieuses, qui s’alignent sur les résultats du Bilan Mondial de l’action climatique conclu à la COP28. Reconnaissant le potentiel de l’océan en tant que source inexploitée de solutions, le Bilan Mondial a invité les Etats Parties à renforcer l’action fondée sur l’océan pour l’atténuation et l’adaptation. Cependant, la capacité des pays à intégrer des solutions fondées sur l’océan dans leurs stratégies et à les mettre en œuvre efficacement dépendra en grande partie de l’existence de financements adéquats. À ce titre, il est indispensable que les Parties reconnaissent le financement de l’océan comme un pilier central du financement climatique.
De Dubaï à Bakou : Bâtir les fondements de l’action
L’année dernière, la COP28 a conclu le tout premier Bilan Mondial – un processus de deux ans conçu pour évaluer les progrès réalisés par la communauté internationale en vue d’atteindre les objectifs de long terme de l’Accord de Paris. Les conclusions sont claires : le monde est hors trajectoire, et la fenêtre d’opportunité pour y remédier se ferme rapidement. Plus qu’une simple évaluation, le Bilan Mondial décrit des voies concrètes pour remettre notre trajectoire climatique sur la bonne voie. Les Etats Parties doivent maintenant répondre à ces conclusions en soumettant de nouvelles Contributions Déterminées au niveau National (CDN) – l’outil principal de mise en œuvre de l’Accord de Paris – d’ici février 2025. Cependant, l’efficacité de ces stratégies, tant en termes d’ambition que de mise en œuvre, dépendra de la disponibilité des moyens alloués, y compris des ressources financières débloquées.
Au cœur de l’Accord de Paris se trouve le principe de “responsabilité commune mais différenciée”, qui reconnaît les différentes capacités et, par conséquent, les responsabilités distinctes des pays développés et des pays en développement dans la lutte contre le changement climatique. Avec l’adoption de l’Accord de Paris, les pays développés se sont engagés à fournir 100 milliards de dollars chaque année d’ici 2020 pour soutenir les efforts climatiques des pays en développement, avec l’objectif de réviser cet objectif avant 2025. L’enjeu est d’autant plus important que le soutien des pays développés a été insuffisant. L’objectif de 100 milliards n’a été atteint qu’en 2022, soit deux ans après la date prévue, ce qui a eu un impact significatif sur la capacité des pays en développement à atteindre leurs objectifs climatiques. La révision de cet objectif lors de la COP29 constitue une occasion cruciale pour restaurer la confiance, non seulement entre les pays, mais aussi dans l’Accord de Paris lui-même, alors que la communauté internationale s’efforce de maintenir l’objectif du 1,5°C à portée de main. Enfin, ce nouvel objectif pourrait également contribuer à restaurer la confiance dans le multilatéralisme, car la crise climatique est un défi qu’aucun pays ne peut relever seul.
Déverrouiller le financement de l’océan pour une action climatique ambitieuse
Au cœur des négociations de la COP29 se trouve l’établissement du Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NOCQ) pour l’action climatique, destiné à remplacer l’objectif actuel de 100 milliards de dollars USD. Après deux ans de processus technique intense et complexe, la phase politique vient de commencer. Les négociations tournent encore autour de l’identification des éléments centraux du NOCQ, tels que le montant cible, l’échéance, les critères d’allocation et les mécanismes de mesure des progrès. En conséquence, les discussions restent principalement à un niveau macro, et il est peu probable qu’elles deviennent plus détaillées. Le processus n’a pas consacré de temps significatif à explorer le financement climatique lié à l’océan ou même à la nature. Bien que cela soit lié au niveau des discussions et non à un manque de priorité, il est important de veiller à ce que ces secteurs bénéficient eux aussi de cette augmentation du financement climatique.
À cette fin, la Plateforme Océan & Climat et la Ocean Risk and Resilience Action Alliance, avec le soutien de la Blue Marine Foundation, du Global Ocean Trust, de The Nature Conservancy et du Pacte Mondial des Nations Unies – ont publié le policy brief : “Unpacking Ocean Related Finance for Climate Action” proposant un ensemble de recommandations concrètes aux Etats-Parties, afin de considérer l’océan et les solutions qu’il offre dans le cadre du NOCQ et d’autres processus de la CCNUCC, y compris ceux liés au financement.
Ce brief propose également des éclairages sur les discussions autour des pertes et préjudices, en particulier sur l’opérationnalisation du Fonds dédié qui a été adopté en 2022 lors de la COP27. Alors que les Parties font avancer le processus, en émettant des orientations initiales pour le Fonds et en définissant ses principales modalités et politiques, il est essentiel de veiller à ce que les réponses aux pertes et préjudices liées à l’océan (par exemple, le réchauffement de l’océan, les vagues de chaleur marines, l’acidification, la montée du niveau de la mer) soient dûment prises en compte.
Par ailleurs, après deux COP consécutives sans parvenir à un accord, les négociations sur l’Article 6 de l’Accord de Paris vont se poursuivre. Une fois mis en œuvre efficacement, l’Article 6 pourra débloquer des financements internationaux pour des actions d’atténuation, y compris liées au carbone bleu, qui pourraient ne pas être disponibles par des moyens nationaux, permettant ainsi aux pays d’augmenter l’ambition de leurs Contributions Nationales Déterminées (NDC). Il est donc particulièrement important de parvenir à un consensus et de rendre l’Article 6 pleinement opérationnel, car il offre une opportunité d’améliorer la transparence et l’efficacité des mécanismes de marché de carbone bleu.
Le financement climatique pour des solutions fondées sur l’océan dans les stratégies nationales pour le climat
Dans les pistes de progrès évoquées, le Bilan mondial a clairement identifié les solutions fondées sur l’océan comme essentielles à la réponse mondiale au changement climatique, mettant en évidence leur potentiel d’atténuation et d’adaptation, et invitant les Etats Parties à renforcer leur mise en œuvre. Bien qu’un nombre croissant de pays intègrent des mesures liées à l’océan dans leurs stratégies nationales pour le climat, les options d’atténuation telles que le déploiement responsable de l’énergie éolienne en mer ou la décarbonation du transport maritime restent sous représentées. Les engagements pris sont souvent trop vagues, avec peu d’objectifs quantifiés et de références aux moyens de mise en œuvre alloués, ce qui complique l’évaluation des progrès. Par exemple, une analyse révèle que sur les 97 CDN intégrant au moins une solution fondée sur la nature côtière et marine, moins de la moitié (45) incluent des cibles chiffrées pour quantifier et suivre leurs objectifs.
Ces stratégies peuvent également servir de point d’entrée pour mobiliser et sécuriser des financements climatiques en soutien aux actions liées à l’océan. À cette fin, et conformément au rapport de synthèse du Dialogue Océan et Changement Climatique de 2024, il est nécessaire que les Parties intègrent ces mesures dans leurs stratégies de manière quantifiée. Cette quantification sera cruciale pour permettre aux pays en développement de communiquer efficacement leurs besoins et priorités, et de débloquer des financements climatiques tant attendus. En effet, la décision d’orientation du NOCQ 2023 a noté que le nouveau montant ainsi que les éléments du NOCQ seront définis pour refléter “l’exigence” de soutenir la mise en œuvre des stratégies climatiques actuelles et de répondre aux besoins évolutifs des pays en développement pour les mettre en œuvre.
Un fil bleu entre les conventions sur le climat et la biodiversité
Les solutions fondées sur l’océan ont le potentiel de faire progresser à la fois l’Accord de Paris et le Cadre Mondial de la Biodiversité adopté dans le cadre de la Convention sur la Diversité Biologique. Cependant, pour développer ce potentiel, il est nécessaire de les intégrer à la fois dans les stratégies nationales pour la biodiversité et le climat, et ce de manière holistique et cohérente, ce qui fait actuellement défaut. Bien que hautement complémentaires, ces deux stratégies sont traitées comme des processus politiques séparés. En conséquence, les politiques océaniques sont développées en silos, ciblant soit des objectifs de biodiversité, soit des objectifs climatiques, sans considérer systématiquement les deux. L’agenda de cette année favorise une coordination et une collaboration accrues entre les administrations nationales, car, pour la première fois, les cycles de soumission se chevauchent, avec les stratégies biodiversité attendues pour octobre 2024 et les stratégies climatiques pour février 2025. Afin de guider les Etats dans cette démarche de synergie, la Plateforme Océan & Climat et la Blue Marine Foundation, avec le soutien de douze organisations partenaires, ont lancé le policy brief “Blue Thread: Aligning National Climate and Biodiversity Strategies”, qui explore comment les solutions fondées sur l’océan peuvent contribuer à relever les crises interdépendantes du changement climatique et de la perte de biodiversité.
Ce policy brief présente également les Ocean Breakthroughs – lancés l’année dernière lors de la COP28 – comme moteur pour accélérer l’action et les investissements dans cinq secteurs clés liés à l’océan, à savoir la conservation marine, l’alimentation aquatique, les énergies marines renouvelables, le transport maritime et le tourisme côtier. Les Ocean Breakthroughs établissent des points de bascule positifs pour chaque secteur, en vue de contribuer à un avenir résilient, positif pour la nature et neutre en carbone d’ici 2050. Dans ce contexte, ils peuvent efficacement faire progresser les objectifs liés à la nature et au climat de manière holistique et équitable, répondant à la nécessité de renforcer les synergies au niveau de la mise en œuvre. Forts de ces efforts, la communauté océanique sera fortement mobilisée lors de la COP29, avec le lancement du Coastal Tourism Breakthrough lors de la Journée d’Action pour l’Océan (le 21 novembre), mettant en avant les progrès réalisés dans d’autres secteurs pour démontrer que les acteurs non étatiques sont des moteurs uniques de changement.
Les résultats de la COP29 redéfiniront le financement climatique mondial tel que nous le connaissons. Avec l’établissement du Nouvel Objectif Collectif Quantifié (NOCQ), la COP29 a le potentiel de reconstruire la confiance entre États développés et États en développement, en comblant les lacunes de financement persistantes et en libérant les ressources nécessaires pour une action climatique transformatrice. Elle orientera le niveau d’ambition des stratégies climatiques des pays en développement, tout en renforçant la détermination collective à concrétiser l’Accord de Paris. L’océan, notre meilleur allié dans la lutte contre le changement climatique, actuellement à la marge de l’agenda de la COP29, ne devrait pas être négligé dans ces discussions. À cette fin, considérer et intégrer le financement de l’océan comme un élément clé du financement climatique sera essentiel pour exploiter efficacement le potentiel d’atténuation et d’adaptation de l’océan, protéger les communautés côtières vulnérables et avancer vers un avenir résilient et positif pour la nature.