Du 10 au 21 novembre 2025, la 30ème Conférence des Parties (COP30) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se tiendra à Belém, au Brésil. Dix ans après l’Accord de Paris, cette conférence marque le passage des négociations à la mise en œuvre, alors que les États doivent soumettre de nouvelles Contribution déterminées au niveau national (CDN), plus ambitieuses et alignées sur la trajectoire de 1,5°C. Cette phase de mise en œuvre s’appuiera sur un Agenda de l’Action redynamisé, pour mobiliser l’ensemble des acteurs autour d’initiatives concrètes, dans l’esprit d’un Global Mutirão. Située à la confluence de l’Amazonie et de l’Atlantique, Belém incarne l’ambition du Brésil de replacer la nature au cœur de l’action climatique. Ce lieu hautement symbolique rappelle que les solutions fondées sur la nature sont essentielles pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et renforcer la résilience des territoires face au changement climatique.
Faire de Belém un tournant pour la mise en œuvre
La COP30 se tiendra à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025, sous présidence brésilienne. Elle s’ouvrira dans un contexte international complexe, marqué par des tensions géopolitiques, une crise du multilatéralisme, et une défiance croissante envers la science. Malgré ces fractures, les attentes sont fortes. Après une COP 29 dont les résultats ont été jugés insuffisants face à l’urgence d’agir contre le changement climatique, la présidence brésilienne fait face à un défi de taille : restaurer la confiance dans le multilatéralisme et la coopération internationale, plus particulièrement celle des pays en développement.
La COP 30 coïncide avec les dix ans de l’Accord de Paris et la clôture de son premier cycle – comprenant le dépôt des premières CDN et l’évaluation de leur mise en œuvre grâce au premier Bilan Mondial de 2023. Elle marque ainsi un passage essentiel des négociations à la mise en œuvre. Cette nouvelle étape s’ouvre alors que le premier Bilan mondial (2023) a mis en évidence un écart préoccupant entre les engagements pris et leur mise en œuvre, révélant une trajectoire de réchauffement supérieure à 2,5°C. Les nouvelles CDN, attendues avant la conférence, constituent une étape décisive pour réaligner l’action collective sur la trajectoire de l’objectif de 1,5°C et renforcer la crédibilité des COP sur le climat.
L’océan au cœur de l’action climatique
Parmi les ambitions affichées par le Brésil pour cette Conférence figure la volonté de replacer la nature au cœur de l’action climatique, en reconnaissant à la fois sa vulnérabilité et son potentiel pour l’atténuation, l’adaptation et la résilience. À Belém, située à la rencontre entre l’Amazonie et l’Atlantique, l’océan doit être reconnu, aux côtés de la forêt, comme l’autre grand poumon de la planète. Régulateur de notre climat, l’océan est une véritable source de solutions pour faire face au changement climatique. Les solutions fondées sur l’océan pourraient contribuer jusqu’à 35 % des réductions d’émissions nécessaires d’ici 2050 pour maintenir la trajectoire de 1,5°C, tout en renforçant la résilience des écosystèmes et des communautés côtières.
Concrétiser ce potentiel nécessite que les solutions océan-climat soient pleinement intégrées dans les stratégies climatiques des États. Dans cette optique, le Brésil et la France lançaient en juin dernier le Défi CDN Bleues (ou « Blue NDC Challenge »). L’objectif est d’élargir cette coalition et d’en faire une plateforme de coopération facilitant l’accès à l’appui technique et financier pour la mise en œuvre de solutions océan-climat. Le Brésil, en incluant pour la première fois l’océan dans sa CDN, a ainsi envoyé un signal politique fort et réaffirmé son engagement en faveur d’une action climatique fondée sur la nature.
Bien que les États se concentreront sur la mise en œuvre de leurs engagements à la COP30, les négociations se poursuivront sur les sujets liés à l’adaptation, notamment autour de la détermination d’indicateurs pour assurer le suivi de l’Objectif Mondial d’Adaptation (ou Global Goal on Adaptation en anglais). L’enjeu sera de s’assurer de l’inclusion d’indicateurs fondés sur la nature et l’état des écosystèmes, notamment côtiers, afin de reconnaître leur rôle dans le maintien et le renforcement de la résilience des territoires.
Si cet agenda doit favoriser une intégration accrue des initiatives océan-climat dans les politiques nationales, ces ambitions ne pourront se concrétiser qu’à travers la mobilisation de financements adéquats et pérennes, condition indispensable pour transformer les engagements politiques en actions tangibles.
Débloquer les financements pour une action océan-climat
Financer l’océan, c’est financer le climat. Pourtant, seulement 1% du financement climatique mondial est consacré à l’océan (1). Alors que les États ont adoptés le Nouvel Objectif Collectif Quantifié à la COP 29, fixant un objectif global de 1,3 Billion de dollars par an d’ici 2035, dont 300 milliards provenant des pays développés, la question qui se pose dorénavant et la manière dont ces financement seront distribués entre les différents secteurs. A cette fin, la présidence de la COP 29 et la présidence de la COP 30, ont développé la “Baku to Belém Roadmap” : une feuille de route définissant les priorités et les premières actions à entreprendre pour que États, institutions et secteur privé orientent ensemble les financements climatiques vers des solutions concrètes. Elle précise qu’il est “essentiel d’accroître le financement océanique pour soutenir les aires marines protégées, les écosystèmes de carbone bleu et la résilience des communautés côtières”.
S’appuyant sur la dynamique créée par la Conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice (UNOC3), qui a généré 2 600 engagements volontaires et 8,7 milliards d’euros de promesses de financement, les États devront désormais s’accorder sur la mobilisation de moyens financiers variés, allant des fonds publics aux capitaux privés, afin de concrétiser la mise en œuvre de leurs engagements.
La feuille de route précise également qu’“alors que la mise en œuvre s’accélère dans le cadre des Conventions de Rio, il est essentiel de renforcer la cohérence entre les agendas relatifs au climat, à la biodiversité et à la dégradation des terres.”
Renforcer les synergies entre les Conventions de Rio
A l’aube de cette phase de mise en œuvre, il est essentiel de rappeler que les solutions fondées sur l’océan peuvent contribuer simultanément à la mise en œuvre de l’Accord de Paris et du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montreal, adopté dans le cadre de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB). Ces deux cadres demeurent aujourd’hui largement dissociés : les politiques sont encore élaborées en silos, répondant séparément à des objectifs climatiques ou de biodiversité. Leur impact pourrait pourtant être démultiplié et optimisé en adoptant une approche intégrée. Ainsi, l’adoption par la CDB d’un mandat de collaboration renforcée avec la CCNUCC lors de la COP16 (2024) marquait une avancée décisive. Il revient désormais aux États d’adopter un mandat similaire à la COP30 afin d’engager ce travail de collaboration au sein de la CCNUCC, menant par exemple à la création d’un groupe de travail conjoint en amont de la COP 31.
La Plateforme Océan & Climat supporte cette approche dans son rapport Fil Bleu : Aligner les Stratégies Nationales sur le Climat et la Biodiversité, qui plaide pour une planification conjointe des CDN et des Stratégies Nationales de Biodiversité, et pour une meilleure coordination des cadres de suivi et de financement. En plaçant l’océan au centre de cette articulation, les Etats peuvent renforcer la cohérence et l’efficacité de leurs actions et maximiser les bénéfices communs pour le climat, la biodiversité et les communautés côtières.
En outre, si renforcer l’efficacité de la mise en œuvre nécessite une collaboration institutionnelle accrue, une coopération concrète entre les États, les acteurs locaux et la société civile, est essentielle afin de traduire les engagements politiques en actions collectives, durables, équitables et justes.
La société civile au service de la mise en oeuvre
En inaugurant l’ère de la mise en œuvre, le Brésil a pour ambition de rassembler gouvernements, collectivités, entreprises, institutions scientifiques et société civile, afin d’assurer une action coordonnée autour de solutions concrètes, dans l’esprit d’une Global Mutirão. Pour ce faire, la présidence a hissé l’Agenda de l’Action au même niveau que les négociations, révisé et renforcé, axé sur des solutions concrètes et des objectifs à moyen terme destinés à redresser la trajectoire avant le second Bilan Mondial, en 2028. André Corrêa do Lago, Président de la COP 30, entend faire de cette dynamique une démonstration d’efficacité collective, “en transformant l’action climatique, de la cacophonie à une symphonie orchestrée, où les négociations multilatérales définissent la partition, et où les CDN et l’Agenda de l’Action fournissent les instruments”.
Dans ce cadre, la POC, point focal du groupe océan du Partenariat de Marrakech, a rejoint le secrétariat d’un des nombreux groupes créés pour soutenir la concrétisation de l’Agenda de l’Action. En étroite collaboration avec les Champions du Climat et la présidence de la COP30, la POC a coordonné les efforts de nombreuses initiatives mobilisées sur le nexus océan-climat afin d’élaborer le Blue Package : une feuille de route destinée à accélérer la mise en œuvre des solutions océan-climat d’ici 2028.
Les Ocean Breakthroughs en constituent le socle stratégique. Ils définissent cinq points de bascule positifs à atteindre d’ici 2030 dans les secteurs de la conservation marine, du transport maritime, du tourisme côtier, des énergies marines renouvelables et de l’alimentation d’origine aquatique. Basés sur la science, ces objectifs visent à accélérer la mise en œuvre de solutions fondées sur l’océan, capables de soutenir à la fois l’atténuation, l’adaptation et la résilience au bénéfice du climat, de la nature et des populations. Une plateforme en ligne sera dévoilée durant la Conférence, pour suivre les avancées de chaque secteur et identifier où des actions supplémentaires sont nécessaires.
Une COP pour renouer confiance et action
10 ans après Paris, la COP 30 ouvrira l’ère de la mise en œuvre. Les Etats devront traduire leurs engagements pris au cours de la dernière décennie en actions concrètes, accompagnés de nouvelles stratégies à la hauteur de l’urgence climatique. Pour répondre aux objectifs de l’Accord de Paris, ces stratégies devront inclure pleinement les solutions fondées sur l’océan, qui offrent un potentiel considérable pour l’atténuation, l’adaptation et la résilience. La POC encourage ce passage à la mise en œuvre et souhaite accompagner les décideurs dans cette nouvelle ère. À travers son nouveau plaidoyer, intitulé “Un changement de cap collectif pour l’océan, le climat et la biodiversité”, elle les appelle à Comprendre, Agir, Repenser. Elle y expose une vision claire d’un futur où les décisions sont guidées par la science, les solutions mises en œuvre avec urgence, et où nos systèmes politiques et socio-économiques ont été profondément transformés pour enrayer le déclin de la santé de l’océan. Pour que les engagements produisent des résultats concrets, il est essentiel de repenser notre rapport à l’océan, sa gouvernance et son usage. La transition à venir devra rétablir un équilibre, en construisant des économies durables et des sociétés vivant en harmonie avec la nature.
(1) Barber, M., Mitchell, W., von Hirsch, T., & Vyas, T. (2021, November). A drop in the ocean: Closing the gap in ocean climate finance. Deloitte, Whale and Dolphin Conservation, Marine Conservation Society
Auteures : Margaux Escudier, Cyrielle Lâm
