Le 17 octobre 2024, le gouvernement a publié au journal officiel sa décision consécutive au débat public “La Mer en débat” portant sur la mise à jour des volets stratégiques des documents stratégiques de façade (DSF) et la cartographie des zones maritimes et terrestres prioritaires pour l’éolien en mer

La décision des ministres en charge du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, et des ministre délégués chargé de la Mer et de la Pêche et chargée de l’Énergie s’accompagne d’un rapport de réponse présentant les grands principes de la planification. Ce rapport, adressé par les maîtres d’ouvrage (gouvernement et RTE) à la Commission nationale du débat public (CNDP), répond aux recommandations et questions issues du compte-rendu et de la synthèse du débat public. 

Dans la continuité de leur investissement au sein du Comité France Océan durant l’élaboration de la Stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), la Plateforme Océan & Climat (POC) et ses membres ont saisi l’occasion de ce moment démocratique que fut le débat public, mené par la CNDP de novembre 2023 à avril 2024, pour porter l’ensemble des enjeux d’avenir liés à la planification en mer. Ils ont notamment publié des cahiers d’acteurs et participé à nombre d’événements en ligne et sur les façades. La POC et son réseau se sont ainsi activement mobilisés pour une planification intégrée de la mer et du littoral en vue de la reconquête du bon état écologique et de la neutralité carbone.

Dans l’attente de l’avis final de la CNDP marquant la fin du débat public, et à la lumière de deux près de deux ans de travail collectif, la POC livre donc son analyse de cette décision en se concentrant sur les enjeux d’aires marines protégées et d’éolien en mer

 

Quels sont les principaux enseignements de la décision du gouvernement ? 

Statu quo pour les Zones de protection forte, mais des progrès sur le chevauchement entre aires marines protégées et éolien en mer

L’Etat poursuit son approche “au cas par cas” et “à la française” en matière de zones de protection forte (ZPF). Rappelant les conditions du processus de labellisation en  “protection forte”(cf. décret du 12 avril 2022), le gouvernement assume une définition divergente avec la définition européenne de protection stricte. 

Il rappelle les principaux objectifs de couverture de ses eaux par des ZPF à l’horizon 2027 : 1 % des eaux de la façade Manche Est – Mer du Nord, 3 % des eaux de la façade Nord Atlantique – Manche Ouest, 3 % des eaux de la façade Sud-Atlantique et 5 % des eaux de la façade Méditerranée. Il fixe comme cap la couverture de 5 % des eaux françaises métropolitaines à l’horizon 2030. 

En matière de territorialisation, le gouvernement rappelle que l’organisation de la concertation sur les périmètres à proposer en protection forte incombe aux préfets coordonnateurs de façade, en collaboration avec les préfets de département.

La réaction de la POC :

  • La France refuse de s’aligner sur la “protection stricte européenne” promue dans la Stratégie européenne en faveur de la biodiversité et faisant explicitement référence aux standards internationaux que sont les catégories I et II UICN alors que seuls les niveaux de protection les plus élevés sont les plus à mêmes de fournir des bénéfices écologiques, économiques et sociaux.
  • La contribution de chaque façade maritime et territoire ultramarin à l’atteinte des objectifs de couverture en ZPF reste pour l’instant inéquitable et ne garantit pas l’atteinte des 10 % de ZPF dans les eaux territoriales, dont 5 % des eaux métropolitaines, d’ici 2030.
  • L’Etat s’en remet aux processus de concertation menés par les préfets coordonnateurs de façades et de départements pour identifier plus précisément les périmètres des ZPF à proposer à la labellisation nationale, ainsi que les réglementations associées éventuellement nécessaires pour remplir les critères de la protection forte.

 

Les grands principes de la planification en mer et le choix des secteurs d’étude pour les zones de protection forte marquent une avancée notable dans la réduction des chevauchements potentiels entre ces ZPF et les parcs éoliens en mer. Il est toutefois prévu que certains projets éoliens puissent empiéter sur d’autres types d’aires marines protégées, à condition qu’il soit prouvé que leurs impacts potentiels n’entravent pas l’atteinte des objectifs de conservation de ces AMP. 

La réaction de la POC :

  • Conformément à la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) et à la SNML, l’Etat garantit une absence de chevauchement entre les ZPF et les zones prioritaires de développement de l’éolien en mer. Cependant, l’Etat semble prévoir que des parcs éoliens puissent être classés en ZPF dans le futur si des études scientifiques démontrent que ces zones sont devenues riches en biodiversité. 
  • Les observations des publics ont été prises en compte dans le débat public, permettant l’absence de chevauchement de parcs éoliens en mer avec des AMP, sauf en Méditerranée, à l’horizon dix ans. En revanche, à l’horizon 2050, les zones prioritaires pour le développement de l’éolien en mer chevauchent des zones Natura 2000 et des parcs naturels marins (ceux des estuaires picards et de la mer d’Opale et du Golfe du Lion). Les consultations futures et un suivi au cas par cas devront permettre d’assurer que ces projets ne contreviennent pas aux objectifs de conservation des AMP.

 

L’effort de planification de l’éolien en mer

Le gouvernement confirme ses objectifs annoncés pour l’éolien en mer, avec pour cap la neutralité carbone en 2050, à travers la mise en service de 18 GW en 2035 pour atteindre 45 GW installés d’ici 2050. Il rappelle la déclinaison de ces objectifs par façade à horizon 10 ans : 7 à 11 GW en Manche Est Mer du Nord, 5,5 à 9 GW en Nord Atlantique Manche Ouest, 1,5 à 4,5 GW en Sud Atlantique, 2 à 3,5 GW en Méditerranée.

Une première procédure de mise en concurrence sera lancée prochainement pour attribuer des projets dans les zones identifiées à l’issue du débat public : deux projets d’éoliennes posées d’environ 2 gigawatts (GW) chacun sur la façade maritime Manche Est – Mer du Nord ; un projet d’éoliennes flottantes d’environ 2 GW sur la façade maritime Nord Atlantique – Manche Ouest ; un projet d’éoliennes flottantes d’environ 1,2 GW sur la façade maritime Sud-Atlantique ; et un projet d’éoliennes flottantes d’environ 2 GW sur la façade maritime Méditerranée.

L’Etat semble miser sur un éloignement des parcs grâce à la technologie flottante, tout en assurant le maximum de garanties au secteur de la pêche quant au maintien de ses activités dans les parcs posés. Il s’en remet aux préfectures maritimes de chaque façade pour définir précisément les activités autorisées au sein des parcs. Concernant les impacts environnementaux de l’éolien en mer, le gouvernement rappelle que les volets stratégiques des DSF et leurs évaluations environnementales stratégiques seront soumis à l’avis de l’autorité environnementale.  

 

La réaction de la POC :

  • L’éloignement des parcs des côtes (à plus de 12 milles nautiques) semble notamment tenir d’une prise en compte des avis des publics. Malgré un coût plus élevé, celui-ci devrait permettre une accélération du déploiement de l’éolien flottant.
  • L’Etat semble disposé à faire évoluer des paramètres des futurs appels d’offres pour prendre en compte les conclusions du débat, ce qui permettrait de porter de meilleures exigences environnementales. Néanmoins, la prise en compte des impacts cumulés de l’ensemble des activités maritimes, au-delà des productions du GT ECUME mentionnée dans le rapport de réponse, est encore insuffisante.
  • L’Etat évoque dans son rapport de réponse une pérennisation des missions de l’Observatoire de l’éolien en mer qui, outre la production et la synthèse de connaissances, aura vocation à définir une méthode homogène et cohérente de suivi scientifique de l’impact environnemental des parcs, conformément aux demandes de la POC au sein de son assemblée des parties prenantes. 
  • Le cheminement du développement des autres énergies marines renouvelables se poursuivra notamment avec l’identification de zones favorables au développement de l’hydrolien dans les volets stratégiques des DSF, l’analyse du potentiel technique et de la baisse des coûts des technologies du houlomoteur, du photovoltaïque flottant et de l’énergie osmotique, l’évaluation des coûts et impacts de l’énergie marémotrice.
  • La concertation pour définir des zones prioritaires pour l’éolien en mer en façade Nord Atlantique Manche Ouest se poursuivra sur la base des zones indicatives. Des processus de concertation seront également menés au niveau des façades pour définir des fuseaux de moindre impact pour le raccordement des parcs. 
  • Bien que sujette à de nombreux débats, voire convoitises, la taxe sur l’éolien en mer en ZEE ne voit pas son affectation évoluer. Elle pourrait permettre de financer l’adaptation au changement climatique, comme le préconise le Comité national du trait de côte (CNTC), ou encore la protection de l’environnement, et ce alors qu’une mission d’inspection sur les modalités possibles de financement d’actions pour le secteur de la pêche doit rendre ses travaux d’ici à la fin de l’année.

 

Conclusion et prochaines étapes 

Le débat public orchestré par la CNDP a permis la mobilisation d’une grande diversité de publics, parmi lesquels nombre de membres de la POC. La décision du gouvernement marque une étape importante du cycle de planification maritime qui se poursuivra avec l’élaboration des DSF. Malgré l’absence d’avancées en matière de protection stricte, les recommandations de la POC et de ses membres semblent avoir porté leurs fruits pour une planification intégrée de la mer et du littoral. Parallèle à ce cycle de planification, la Conférence des Nations Unies sur l’Océan qui se tiendra à Nice en juin 2025 incarne un cap qui offrira à la France l’opportunité d’être exemplaire et de rehausser son ambition en matière de protection du milieu marin.