Photo by IISD/ENB Mike Muzurakis

 

La 15è Conférence des parties (COP15) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) se déroule du 7 au 19 décembre à Montréal, au Canada. Cette COP doit aboutir sur l’adoption du cadre mondial pour la biodiversité post-2020, une feuille de route destinée à guider l’action pour mettre un terme à la perte de biodiversité d’ici à 2030 et à assurer son rétablissement d’ici à 2050.  Il s’agit d’un moment charnière pour la biodiversité mondiale est une opportunité sans précédent de  préserver et restaurer la santé de notre océan mondial et de maintenir ses capacités à réguler le système climatique. C’est pourquoi la communauté océan appelle à l’action à travers la déclaration « Pas d’Accord de Paris sans Montréal », coordonnée par la Plateforme Océan & Climat et soutenue par 86 acteurs non étatiques – ONG, fondations, instituts scientifiques, organisations internationales, organisations des Nations Unies, entreprises et institutions financières. Construite autour de 12 recommandations clés, cette déclaration appelle les Parties à la CDB à établir un cadre politique ambitieux pour « redresser la barre pour l’océan et sa biodiversité », et à établir des ponts entre les régimes de la biodiversité et du climat, en soutien à la mise en oeuvre de l’Accord de Paris et de l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable. À la table des négociations, l’adoption de l’objectif « 30 x30 » – visant à protéger au moins 30 % des terres et de l’océan global d’ici 2030 – sera absolument cruciale pour atteindre ces objectifs. 

 

Pas de futur durable sans un océan en bonne santé

De nos côtes aux profondeurs abyssales, l’océan est le plus grand espace de vie sur Terre. Au carrefour de tous les grands défis auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui, l’océan nous relie, nous nourrit et nous soutient tous. La bonne santé des écosystèmes océaniques doit être préservée et restaurée afin de maintenir les nombreux services et bienfaits qu’ils rendent à la nature et aux Hommes. En effet, un océan sain et riche de biodiversité joue un rôle essentiel dans la régulation du climat, la protection de nos rivages, et est essentiel à la sécurité alimentaire, à la préservation du patrimoine culturel et au bien-être de milliards de personnes.

Dans ce contexte, la déclaration « Pas d’Accord de Paris sans Montréal » appelle à « veiller à ce que tous les facteurs de perte de biodiversité marine et côtière, tant sur terre qu’en mer, soient correctement pris en compte dans le cadre », ainsi qu’à « prendre des mesures pour conserver, restaurer et gérer durablement les écosystèmes marins et côtiers ». Pour ce faire, il est crucial de « minimiser les pressions anthropiques sur les écosystèmes et les espèces touchées par le changement climatique et l’acidification de l’océan, et de réduire la pollution côtière et l’excès de nutriments qui nuisent au fonctionnement des écosystèmes ». Il est plus que temps de redresser la barre pour l’océan et sa biodiversité. Lors de la COP15, les dirigeants mondiaux doivent redoubler d’ambition et d’action pour mettre en place un cadre politique global dans le cadre de la CDB, incluant des cibles ambitieuses pour la protection efficace de la vie marine. 

 

Protéger au moins 30 % de l’océan d’ici à 2030 : une priorité pour garantir l’intégrité de l’océan et des nombreux services vitaux qu’il apporte à la nature et aux populations humaines

Dans son rapport “Impacts, Adaptation et Vulnérabilité” (2022), le GIEC indique que moins de 8% de la surface de l’océan est couverte par un régime de protection, avec des niveaux de protection et de gestion actuellement insuffisants pour limiter les dommages causés par les activités humaines. Pour maintenir l’intégrité de l’océan et de ses écosystèmes, et protéger les populations qui en dépendent, la communauté océan appelle à la protection d’au moins 30 % de l’océan mondial dans les eaux nationales et les zones situées au-delà des juridictions nationales (comme le prévoit l’article 4 de la Convention). Alors que l’objectif de protection de 10 % de l’océan d’ici 2020 dans le cadre des objectifs d’Aichi était essentiellement politique, l’objectif « 30×30 » est scientifique. En effet, de plus en plus de données convergent vers le constat suivant: 30% de protection est le seuil minimum requis pour « assurer les services écosystémiques essentiels » (GIEC, 2022), et cette dernière doit être associée à une de forts niveaux de protection et à une gestion intégrée. Aussi, le « 30×30 » est une étape nécessaire, mais pas un point final. 

Mettre un terme et inverser la perte de biodiversité marine ne pouvant se faire uniquement au travers de la conservation et la restauration, l’objectif du “30×30” doit aller de pair avec des mesures audacieuses visant à s’attaquer aux facteurs sous-jacents de la perte de biodiversité, et à gérer durablement les 70 % de l’océan restants. Dans cette logique, les peuples autochtones, les communautés locales et les autres usagers traditionnels des ressources doivent être intégrés à ces processus et avoir toute leur place dans la mise en oeuvre de la gestion durable de l’océan et de ses usages. 

 

Étendre le mandat du Programme d’action pour la nature et les populations afin de stimuler l’action et les flux financiers

Les acteurs non étatiques sont des agents du changement et des moteurs pour réhausser l’ambition politique. A ce titre, le Partenariat de Marrakech pour l’Agenda Global de l’Action (MP-GCA), un espace dédié aux acteurs non-étatiques dans le cadre de la Convention sur le climat, a contribué à ancrer l’océan dans les négociations et les stratégies internationales sur le climat. À l’inverse, il n’existe pas encore d’équivalent solide dans le cadre de la convention sur la biodiversité, puisque le programme d’action pour la nature et les populations (AANP) reste une plateforme d’engagement volontaire. L’extension de son mandat pourrait changer la donne dans la manière dont les acteurs de l’océan se mobilisent et influencent les décideurs, et dans l’accélération de la mise en œuvre d’actions concrètes et de flux financiers pour l’océan et sa biodiversité. C’est pourquoi la déclaration « Pas d’Accord de Paris sans Montréal » appelle à l’extension du mandat du programme d’action pour la nature et les populations « vecteur essentiel de la mise en œuvre du cadre mondial pour la biodiversité post-2020« , et à la reconnaissance du fort potentiel d’action d’une approche intégrant l’ensemble de la société. Tous les travaux déjà entrepris dans le cadre du MP-GCA pourraient contribuer à faciliter l’opérationnalisation de son homologue pour la biodiversité, ouvrant la voie au développement d’une approche holistique et coordonnée. Les deux agendas d’action pourraient ainsi créer de nouvelles formes de collaboration pour atteindre des objectifs communs et s’attaquer conjointement aux crises du climat et de la biodiversité.

 

Le cadre post-2020 est une opportunité unique de renverser la vapeur et de restaurer avec succès la santé de notre océan mondial dans la décennie à venir. Il doit être la clé de voûte d’une gouvernance internationale ambitieuse et holistique pour la protection de la biodiversité mondiale. Cet objectif ne peut être atteint que par une volonté politique accrue, soutenue par des acteurs non étatiques et un soutien financier adéquat, et guidée par la science. Trente ans après l’adoption des conventions de Rio sur la biodiversité, le climat et la désertification, et dans un contexte de crises multiples, les projecteurs sont désormais braqués sur la COP15, et les attentes sont grandes. Plus que jamais, il est temps de réaffirmer l’importance du multilatéralisme, et d’utiliser à la fois les pouvoirs diplomatiques et la mobilisation des acteurs non étatiques pour assurer un résultat à la hauteur de l’urgence actuelle.