L’océan a été au cœur des débats au congrès de la nature à Marseille. Comme l’a évoqué la Ministre de la Mer Annick Girardin, une session de haut niveau lui a été consacrée pour la première fois dans le cadre d’un congrès de l’UICN. Près de 100 événements en lien avec l’océan ont également été organisés dans le cadre de ce sommet international, et les 7 motions consacrées à l’océan ont toutes été adoptées. Les liens entre biodiversité et climat ont également été à l’honneur – Emmanuel Macron rappelant dans son discours d’ouverture les nombreuses solutions qu’apporte la biodiversité pour lutter contre le changement climatique, et “l’urgence de synchroniser les agendas internationaux sur le climat et la biodiversité”.
La France annonce l’organisation du « One Ocean Summit »
Lors de l’inauguration du congrès mondial, Emmanuel Macron a annoncé la tenue d’un “One Ocean Summit”, organisé en France fin 2021 ou début 2022. Il s’agit du premier sommet dédié à l’océan depuis la lancement des “One Planet Summit”, dont le premier volet s’est tenu en 2017 à l’initiative du Président de la République française. Dans le même esprit que ses précédentes éditions, l’événement “One Ocean” a pour but de « Mettre les scientifiques, les acteurs économiques, les acteurs régionaux et les Nations unies autour de la table » afin de porter au plus haut niveau politique les discussions autour du traité sur la haute mer, dit “BBNJ” (Biodiversity Beyond National Jurisdictions). Un enjeux de taille, puisque la haute mer représente 60% de la surface de l’océan et qu’elle n’est à l’heure actuelle régie par aucune réglementation internationale.
Dans un contexte d’urgence climatique, et à quelques mois des grands rendez-vous internationaux sur le climat et la biodiversité, cet évènement d’envergure est très attendu par la communauté océan : l’occasion de donner un élan politique fort pour tirer vers le haut les prochaines négociations internationales.
La biodiversité marine à l’honneur
La biodiversité marine a fait l’objet d’une large mobilisation et de nombreux engagements dans le cadre de ce congrès. Le gouvernement français a notamment rejoint le Fond Global pour les Coraux avec une contribution financière de 3 millions d’euros, et a présenté son tout nouveau “compteur de la biodiversité marine”, dont l’objectif est d’évaluer l’état de la biodiversité afin de mieux agir pour sa préservation. Emmanuel Macron a également exprimé la volonté de développer, d’ici cet automne, une véritable “stratégie pour les pôles”. Le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, s’est quant à lui engagé à réduire la surpêche en déclarant que, d’ici 2030, 10 % des mers territoriales deviendront des réserves interdites à la pêche.
La France s’est cependant abstenue face à l’appel au moratoire sur l’extraction minière en eaux profondes, qui a été adopté avec une écrasante majorité, avec le soutien de plus de 80% des Etats et plus de 90% des organisations de l’Assemblée des membres de l’UICN.
Du côté de la société civile, la communauté océan a fait des vagues, avec l’organisation de près d’une centaine d’événements dédiés à l’océan et à ses écosystèmes. Les membres de la POC se sont notamment réunis dans le cadre de l’événement “un océan de solutions” afin de présenter les initiatives qu’ils mettent en œuvre pour lutter contre le changement climatique et la perte de biodiversité. Transition du secteur maritime, aquaculture durable, recherche scientifique et restauration d’écosystèmes: autant d’initiatives qui mettent en lumière le formidable potentiel de l’océan pour répondre aux défis de notre temps.
Des engagements pour la mer Méditerranée
Dans la ville phocéenne, la Méditerranée a fait l’objet d’une attention particulière. 8 gouvernements méditerranéens ont lancé le plan d’action “La Méditerranée une mer exemplaire d’ici 2030” (PAMEX), qui vise à relancer la coopération régionale en matière de protection de la biodiversité marine et à contribuer aux discussions dans les enceintes multilatérales et régionales dédiées à l’environnement et à la gestion de la pêche. Emmanuel Macron a également annoncé multiplier par 25 la part des aires marines méditerranéennes sous « protection forte », afin d’atteindre 5% de protection forte en Méditerranée d’ici 2027 (0,2% x 25). Des annonces à éclaircir, considérant que le chiffre des 0,2% pris en compte par le gouvernement recouvre l’ensemble du bassin méditerranéen sous protection forte, alors que seul 0,1% de la ZEE française en Méditerranée bénéficie en réalité de ce niveau de protection.
Pour répondre à l’enjeu majeur que constitue le financement des aires protégées, la Highly protected Mediterranean Initiative a été lancée en présence du Prince Albert de Monaco, un instrument financier innovant dédié au développement d’aires protégées à protection forte en Méditerranée. Un fonds pour la protection des posidonies a également été lancé par le gouvernement des îles Baléares.
L’Italie, la France, Monaco et l’Espagne se sont engagés sur la voie de la protection des cétacés et des espèces migratrices, en proposant, par le biais de l’OMI, le développement d’une ZMPV (Zones Maritimes Particulièrement Vulnérables) dans la Méditerranée du Nord-Ouest.
Au delà des engagements, des moyens à mettre en oeuvre
La session de clôture thématique sur l’océan s’est terminée sur un message fort de l’envoyé spécial des Nations Unies sur l’Océan, Peter Thomson: “la protection de l’océan est une question de justice intergénérationnelle, la préservation de son intégrité est essentielle pour l’avenir de l’humanité”.
Si l’ambition politique de faire de la protection de l’océan une priorité a été clairement affichée dans le cadre du congrès, de nombreux moyens financiers et institutionnels restent encore à mettre en œuvre. En premier lieu, des moyens financiers à mobiliser afin d’apporter une réponse à la hauteur de l’urgence actuelle. Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne, a ainsi rappelé que « plus de la moitié de la valeur générée au niveau mondial dépend de la nature et des services écosystémiques« . Emmanuel Macron a quant à lui appelé à réinventer les politiques commerciales pour qu’elles soient cohérentes avec les politiques climatiques et de biodiversité. Un message partagé par Joanna Post du Secrétariat de la CCNUCC, qui a souligné, sur le plan institutionnel, la nécessité de créer davantage de synergies entre le trio “climat-océan-biodiversité” dans les cadres internationaux, notamment en amont des négociations sur la biodiversité (COP15) et le climat (COP26).