À l’occasion du cinquième anniversaire de l’Accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 lors de la COP21, la tenue du Sommet de l’ambition climatique a permis aux représentants des États, du secteur privé et de la société civile de réaffirmer leurs engagements pour l’action climatique. Une étape importante pour marquer l’urgence actuelle et relancer la mobilisation des États en amont de la COP 26. Cette dynamique politique atteste d’une prise de conscience globale et d’une coopération internationale renforcée, bien que les avancées et perspectives ne soient pas encore à la hauteur des ambitions pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Par ailleurs, l’essor de l’océan dans l’agenda climatique est aujourd’hui crucial, comme en témoigne l’institutionnalisation croissante des enjeux océan au sein de la Convention Climat. Et le défi est de taille, car la reconnaissance du nexus océan-climat concerne aussi bien les objectifs d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) que l’adaptation au changement climatique, en particulier pour les populations littorales.

 

De l’Accord de Paris au Sommet de l’ambition climatique,  une remobilisation des États en vue de la COP 26

Depuis son adoption en 2015, l’Accord de Paris s’est érigé comme cadre incontournable de la lutte contre le changement climatique, dont certaines notions clés, comme le concept de neutralité carbone, imprègnent désormais les discours politiques internationaux. L’année 2020 a été marquée par le report des grands événements internationaux du fait de la crise sanitaire mondiale. Pourtant, la mobilisation des États et acteurs issus du secteur privé et de la société civile s’est accentuée au cours des derniers mois, en particulier lors des Race to Zero Dialogues (9-19 novembre), des Dialogues de l’ONU sur le changement climatique (23 novembre – 4 décembre) et plus récemment du Sommet de l’ambition climatique (12 décembre). Pour ce dernier, la date symbolique du cinquième anniversaire de Paris a tenté de rappeler la communauté internationale à l’ordre en l’incitant à retrouver d’urgence “l’esprit de Paris”. 

 

Ambition, le nouveau mot d’ordre de l’ONU

“Peut-on encore nier que nous sommes confrontés à une urgence dramatique?” a interpellé António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, à l’intention des chefs d’État et participants du Sommet de l’ambition climatique. Nous devons réduire de 40% à 60% les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) par rapport aux niveaux de 2010 : un défi de taille. Face à un contexte aussi pressant, les demandes de prise de paroles des « mauvais élèves” – pour n’en citer que quelques-uns: l’Australie, le Brésil, la Russie, la Turquie ou encore l’Arabie saoudite – ont tout simplement été rejetées en amont du sommet. En effet, seuls les États proposant des mesures réellement ambitieuses se sont vus invités à présenter les progrès réalisés et ambitions à venir. Au total, ce sont donc 75 leaders de tous continents qui ont pris la parole samedi dernier, parmi lesquels 45 se sont prononcés sur de nouvelles Contributions Déterminées au niveau National (en anglais:  NDCs). 

 

Faire sa part à l’échelle nationale 

En amont du sommet, seulement 15 pays avaient entamé la soumission de leurs NDC actualisées auprès du secrétariat de la CCNUCC – à l’issue de celui-ci, le secrétariat devrait en recevoir près de 50. Ainsi l’Union européenne a présenté son objectif récemment adopté de réduction de 55% des émissions de GES d’ici 2030 (par rapport à 1990). La Chine a réaffirmé son engagement pour la neutralité carbone d’ici 2060, et s’est aussi contrainte à réduire son intensité carbone (c’est-à-dire les émissions de CO2 rapportées au PIB) de plus de 65% d’ici 2030. Les Fidjis ont quant à eux porté les enjeux océaniques au cœur de leur plan d’action en annonçant la décarbonation du transport maritime régional aux côtés d’autres nations du Pacifique, ou encore le développement d’une nouvelle politique de gestion durable de l’océan.  Ce sont également de nombreux pays déjà touchés par les effets du changement climatique qui ont pris des mesures fortes, c’est le cas de la Barbade ayant présenté un objectif de sortie des énergies fossiles d’ici 2030 ou du Pakistan qui souhaite renoncer à l’ouverture de nouvelles centrales à charbon. 

 

De nombreux pays sont déjà confrontés aux effets du changement climatique

Parce que les conséquences du changement climatique représentent dès aujourd’hui une menace concrète pour de nombreuses populations vulnérables, la question de l’adaptation s’est imposée lors du sommet. 20 pays ont donc annoncé l’adoption de plans nationaux d’adaptation, dont de nombreux pays devant faire face à l’élévation du niveau de la mer comme le Bangladesh, le Suriname, ou encore le Vanuatu. Par ailleurs, le sommet a instauré le lancement d’une nouvelle campagne, intitulée “Race to resilience”, visant à rendre 4 milliards de personnes issues de communautés vulnérables plus résilientes face au changement climatique. Les enjeux d’adaptation ont donc fait l’objet d’engagements importants lors de ce sommet, mettant en lumière la nécessité de mettre en place des mesures rapides et concrètes pour préserver les populations les plus vulnérables. Quelques jours avant le sommet, la POC rappelait d’ailleurs l’urgente adaptation des littoraux dans une tribune soutenue par plus de 70 scientifiques et ONG

 

Financer la transition climatique

Les États développés ont pour leur part été appelés à assurer une finance climat à destination des pays et populations les plus vulnérables. L’Allemagne a annoncé engager 500 millions d’euros supplémentaires pour le financement de la lutte contre le changement climatique, ainsi que l’intention de lancer un « système international de financement de la lutte contre le changement climatique pour l’après-2020 » avant la COP 26. La France a fait preuve d’une ambition plus limitée, puisque celle-ci s’est contentée de maintenir son engagement de 1,5 milliard de dollars pour le Fonds Vert pour le Climat, tout en portant la part du financement de l’adaptation à un tiers de son engagement total.  

 

Des engagements encore loin d’être suffisants face à l’urgence climatique 

Malgré une remobilisation des États en cette fin d’année 2020, les ambitions soulevées lors du Sommet de l’ambition climatique ne suffiront pas pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C . Au mieux, les récentes déclarations d’objectifs de neutralité carbone, incluant notamment celle proposée par le président-élu américain Joe Biden (ndlr – non présent au Sommet de l’ambition climatique), pourraient permettre de limiter le réchauffement de la planète d’ici 2100 à 2,1°C. Outre des objectifs de long-terme, l’ambition devra se concrétiser à travers de réelles mesures, et celles-ci apparaissent encore largement inaptes à répondre aux objectifs de l’Accord de Paris. Quant à  la place accordée à l’océan dans les plans gouvernementaux, elle reste insuffisante, alors même que son rôle au sein du système climatique a  été mis en évidence lors du Dialogue Océan et Climat, organisé sous l’égide de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) de la Convention Climat, les 2 et 3 décembre derniers.

 

Inscrire l’océan au coeur de l’action climatique 

Depuis l’intégration de l’océan dans le préambule de l’Accord de Paris, les enjeux climatiques de ce vaste milieu et de ses nombreux écosystèmes se sont imposés au coeur des négociations internationales, soutenus par la publication édifiante du rapport spécial sur l’Océan et la Cryosphère (SROCC) du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC). En 2019, lors de la COP 25 à Madrid, les États Parties ont également demandé la mise en place d’une véritable discussion sur le nexus océan-climat. C’est au sein des activités de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA), qui est chargé d’apporter une expertise sur les questions scientifiques, technologiques et méthodologiques, que le dialogue inédit sur “l’Océan et le changement climatique pour examiner comment renforcer les mesures d’adaptation et d’atténuation (2-3 décembre)” s’est déroulé. La tenue d’un dialogue consacré au nexus océan-climat fait ainsi preuve d’un intérêt accru de la part des États, dont la participation s’est avérée particulièrement forte. Néanmoins, les conclusions issues du dialogue sont claires : l’océan doit être davantage intégré aux stratégies pour le climat, et la discussion doit se poursuivre sur une base scientifique fondamentale. La communauté Océan et Climat espère que l’expérience positive de ce premier dialogue sera réitérée, voir institutionnalisée au sein du SBSTA. 

 

COP 26 : de nouvelles priorités pour l’océan se dessinent 

À l’issue de ce premier dialogue, 4 priorités ont d’ores et déjà été accentuées : 1) celle de renforcer l’action dans le cadre de la CCNUCC en consolidant la présence des enjeux océan et climat dans les instances existantes, en particulier les comités traitant des questions de finance et d’adaptation  2) de veiller à une meilleure coordination et coopération entre les différents programmes, initiatives et cadres onusiens, notamment la Convention Biodiversité (CBD) et le futur Traité sur la Haute Mer (BBNJ), 3) d’accentuer l’ambition à l’échelle nationale en intégrant l’océan, et plus spécifiquement les solutions fondées sur la nature, dans  les stratégies d’atténuation et d’adaptation des États  et enfin 4)  de développer les capacités en renforçant l’appui à l’action, notamment en mobilisant de nouvelles ressources financières et de nouveaux acteurs dont ceux du secteur privé . Afin de maintenir la dynamique initiée ces dernières semaines, une coalition d’Etats champions de l’océan dont le Chili, la Suède, les Fidjis et le Costa Rica tiendront le Sommet de l’ambition pour l’océan et le climat, les 26 et 27 janvier prochains. Ce sommet sera  co-organisé un groupe d’ONG internationales, dont Ocean Conservancy, Conservation International et la Plateforme Océan et Climat, et sera l’occasion de s’appuyer sur les conclusions du Dialogue pour  construire de concert les prochaines étapes pour une meilleure prise en compte du nexus océan-climat lors de la COP 26. 

 

Pour en savoir, retrouvez le rapport de synthèse des conclusions du dialogue océan-climat du SBSTA, co-rédigé par la Plateforme Océan & Climat et RARE