Le 12 décembre 2015, les pays Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) adoptaient un accord historique. Cinq ans après l’Accord de Paris, les avancées et les perspectives ne sont pas à la hauteur des ambitions. La Plateforme Océan & Climat (POC) – qui porte la voix de près de 100 organisations dédiées à l’océan en France et à l’international – rappelle l’urgence de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre et alerte sur l’importance de renforcer l’adaptation des littoraux à l’élévation du niveau de la mer. Notamment pour les villes côtières où la croissance démographique explose. Les impacts humains et économiques attendus à court terme sur les littoraux sont colossaux. Sans perdre de vue l’objectif primordial de la neutralité carbone, une nouvelle course contre la montre est lancée qui nécessite le renforcement des mesures d’adaptation dès la COP26.
COP26 : une remobilisation possible des États grâce au leadership Europe-Chine-USA
L’année 2020 devait être une étape décisive pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris avec la révision à la hausse des engagements nationaux des États (NDC). Mais le bilan est alarmant. Les efforts restent largement insuffisants pour limiter le réchauffement à 1,5°C et atteindre la neutralité carbone en 2050.
Les annonces récentes de l’Union Européenne visant à réduire de 60% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, le retour attendu des États-Unis dans l’Accord de Paris et l’annonce de la Chine pour une neutralité carbone en 2060, font renaître l’espoir d’une nouvelle dynamique. Ils pourraient remobiliser la communauté internationale. “Cette nouvelle configuration pourrait faire de la COP26 une étape véritablement propice pour accroître les ambitions climatiques et atteindre un niveau conforme aux objectifs de l’Accord de Paris en matière d’atténuation » indique Romain Troublé, Président de la POC.
Poursuivre les avancées de l’océan dans la Convention Climat
Au cours de ces 5 dernières années, une série d’avancées stratégiques peuvent toutefois être soulignées. Elles ont permis d’intégrer enfin l’océan dans les discussions de la Convention “Avant 2015, parler de changement climatique sans l’océan, c’était oublier le cœur-même de la machine climatique. C’est en 2019, avec le premier rapport du GIEC consacré à l’océan et à la cryosphère (SROCC), que le consensus a été établi : les fonctions de production d’oxygène, d’absorption de la chaleur et de séquestration du carbone des écosystèmes marins font partie des solutions reconnues dans la lutte contre le changement climatique » rappelle Françoise Gaill, océanographe et vice-présidente « Science » de la Plateforme Océan & Climat. Des avancées permises notamment par un dialogue consolidé entre scientifiques et décideurs.
C’est en effet à Madrid, lors de la « COP Bleue » (COP 25), que la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques a intégré l’océan dans la décision finale et dans ses travaux à venir. Une dynamique qui sera sans doute renforcée par le lancement de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030). Mais ces avancées qui soulignent l’impérative préservation des écosystèmes marins, en vertu de leurs fonctions climatiques, n’auront de portée réelle que si l’on atteint les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Accélérer l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer
Rehausser effectivement l’ambition de réduction des émissions reste la condition fondamentale pour limiter les impacts sur l’océan et les populations qui en dépendent. Mais faute d’une réduction drastique et rapide des émissions, le niveau de la mer va continuer de monter, et pourrait s’élever de près d’un mètre d’ici 2100 selon le GIEC. Les événements extrêmes liés à l’élévation de la mer qui se produisaient environ une fois par siècle pourraient se produire au moins une fois par an [i].
D’ici 2050, plus d’un milliard d’habitants vivront sur les littoraux, dans des zones de basse altitude pouvant être submergées lorsque la mer atteint son niveau le plus haut. En France, 864 communes et 165.000 bâtiments seraient déjà menacés, selon le Ministère de la Transition écologique. A Jakarta, 40% de la capitale indonésienne se trouve déjà sous le niveau de la mer [ii], si bien que le gouvernement indonésien espère d’ici 2024 avoir relocalisé une bonne part de ses activités administratives. Au niveau mondial, les coûts s’élèveraient à 14 000 milliards de dollars par an d’ici 2100 [iii].
L’enjeu d’une adaptation rapide est donc majeur. « Ces phénomènes vont redessiner les littoraux du monde entier, là où la population est la plus dense et continue d’affluer. Dans les villes côtières et leurs territoires, les défis sont colossaux. Pour limiter les impacts humains, économiques et sociaux, il faut considérablement renforcer les mesures d’adaptation au sein des politiques territoriales, à très court terme » indique Raphaël Cuvelier, vice-président « Plaidoyer » de la POC.
Favoriser les solutions inspirées de la nature
Les zones humides, les mangroves, les marais salants et les prairies marines, représentent des solutions fondées sur la nature, et sont des protections naturelles, il est vital de les préserver et de les restaurer. « Toutefois, dans les territoires à forte densité, comme en Méditerranée, les ouvrages de défense devront être inspirés par la nature, telles les digues bio compatibles, pour permettre d’allier protection des sociétés humaines et des écosystèmes marins. » explique Patricia Ricard, vice-présidente « Méditerranée » de la POC. Les solutions devront être articulées entre elles et adaptées à la réalité de chaque littoral et de son milieu marin.
Se concerter et développer la culture du risque
Face aux enjeux socio-économiques, les responsables politiques et les gestionnaires, soucieux de protéger les habitants et d’assurer le développement des territoires, doivent aider à dépasser les blocages et les intérêts divergents.
Pour la Plateforme Océan & Climat, même s’il faut parfois construire des digues, il est indispensable avant toute chose de construire un dialogue. Cela suppose d’informer et de sensibiliser, mais également de développer la culture du risque. Ces mesures doivent aujourd’hui mobiliser plus encore la société civile, les scientifiques, les entreprises aux côtés des décideurs pour, ensemble, faire face à ce risque devenu bien réel.
[i] IPCC, 2019: Summary for Policymakers. In: IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate [H.-O. Pörtner, D.C. Roberts, V. Masson-Delmotte, P. Zhai, M. Tignor, E. Poloczanska, K. Mintenbeck, A. Alegría, M. Nicolai, A. Okem, J. Petzold, B. Rama, N.M. Weyer (eds.)]. In press.
[ii] – « Jakarta Urban Challenges in a Changing Climate » – Mayors’ Task Force On Climate Change, Disaster Risk & The Urban Poor – World Bank (2011)
[iii] – Selon le National Oceanography Centre (NOC) – Royaume-Uni.