Les aires marines protégées (AMP) peuvent contribuer de manière significative à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique, selon une nouvelle analyse majeure publiée dans la revue One Earth. Elles peuvent améliorer la séquestration du carbone, la protection des côtes, la biodiversité, la capacité de reproduction des organismes marins, ainsi que les prises et les revenus des pêcheurs. La plupart de ces avantages ne sont obtenus que dans les AMP sous régime de protection forte ou intégrale, et augmentent avec leur âge. « Ces résultats montrent que nous devons protéger les écosystèmes marins. Les prochaines COP27 à Sharm El Sheik et COP15 à Montréal sont idéales pour le faire« , déclare l’auteur principal et coordinateur Joachim Claudet, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au CRIOBE, et président du comité scientifique de la Plateforme Océan & Climat.

 

Combler la manque de connaissances sur le rôle des AMP pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique

Fruit de l’effort conjoint de scientifiques du CNRS, du Stockholm Resilience Center de l’Université de Stockholm et de la Plateforme Océan & Climat, cette publication constitue une contribution importante à notre compréhension de la manière dont les aires marines protégées peuvent contribuer à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation des systèmes socio-écologiques. 

Fondée sur une analyse documentaire approfondie et systématique de plus de 22 000 publications existantes sur 241 aires marines protégées différentes, cette publication aborde le manque de connaissances sur leur contribution à la lutte contre le changement climatique et présente 16 trajectoires écologiques et sociales par lesquelles les aires marines protégées pourraient contribuer à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Cette recherche démontre finalement que la conservation marine est « un outil essentiel pour atteindre les objectifs du programme de développement durable des Nations unies et de l’Accord de Paris sur le climat. » 

« Notre analyse montre que le niveau de protection joue un rôle important dans l’effet d’une aire protégée sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Pour tirer parti de tous les avantages, une aire doit être hautement ou totalement protégée aussi longtemps que possible« , explique le coauteur Robert Blasiak du Stockholm Resilience Centre de l’Université de Stockholm et de l’Université de Tokyo.

Le signal clair selon lequel le niveau de protection doit primer dans la conception des aires marines protégées contraste fortement avec le paradigme actuel de la protection de l’océan à l’échelle mondiale. En effet, la proportion d’AMP sous régime de protection forte et intégrale a chuté dans le monde entier, les pays s’étant empressés de respecter leurs engagements en matière de surface protégée plutôt que de se concentrer sur les niveaux de protection assurant des bénéfices écologiques. « Assurer des niveaux de protection élevés dans les aires marines protégées existantes devrait être la priorité pour garantir des bénéfices climatiques aux systèmes socio-écologiques côtiers« , déclare l’autrice principale Juliette Jacquemont, du CNRS, de la Plateforme Océan & Climat, et désormais basée à l’Université de Washington.

 

Les AMP comme outil de l’action climatique

Publiée quelques semaines avant la COP27 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à Sharm El Sheik, et la COP15 de la Convention sur la diversité biologique (CDB) à Montréal, cette publication souligne la nécessité de combattre conjointement les crises du changement climatique et de la perte de biodiversité. Comme le rappellent les auteurs, « Bien que les aires marines protégées ne puissent à elles seules compenser tous les impacts du changement climatique, elles constituent un outil utile pour l’atténuation du changement climatique et l’adaptation des systèmes socio-écologiques. » 

Alors que la COP27 devrait voir une révision à la hausse des ambitions concernant les contributions déterminées au niveau national (CDN), et que les aires marines protégées sont de plus en plus intégrées dans les stratégies climatiques des États parties à la CCNUCC, ce manuscrit constitue une étape importante vers une meilleure intégration de la conservation marine dans les discussions sur le climat et la biodiversité. 

Il existe désormais de multiples possibilités pour tirer parti de cette base scientifique et guider les politiques publiques et les initiatives du secteur privé. Tout d’abord, il existe une marge considérable pour développer la prise en compte et la reconnaissance des AMP dans les stratégies climatiques nationales, y compris les contributions déterminées au niveau national (CDN) et les stratégies d’adaptation. Ces efforts seraient facilités par l’allocation de ressources supplémentaires pour accélérer l’expansion des stratégies de carbone bleu reconnues par le GIEC afin d’inclure les sédiments marins, ce qui permettrait de comptabiliser de manière fiable les avantages en matière d’atténuation des zones marines protégées avec la restriction du chalutage. Deuxièmement, 64 % de l’océan se trouvant en dehors des juridictions nationales, il est également fondamental que les négociations en cours sur un traité pour la haute mer aboutissent et permettent la désignation d’outils de gestion par zone tels que les aires marines protégées. Enfin, le sentiment d’urgence à agir et à développer des solutions innovantes doit être salué, mais pas au détriment des meilleures pratiques reconnues en matière de gouvernance inclusive des aires marines protégées et de niveaux de protection élevés à complets.

 

Citation : Jacquemont J, Blasiak R, Le Cam C, Le Gouellec M, Claudet J (2022). Ocean conservation boosts climate change mitigation and adaptation. One Earth.

Lien vers la publication scientifique : https://doi.org/10.1016/j.oneear.2022.09.002