Lors de la remise du rapport annuel 2022 du Haut Conseil pour le Climat, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé que “les équipes ministérielles [et les fonctionnaires] seront formées aux évolutions des problématiques environnementales et à leur intégration dans l’élaboration des politiques publiques. L’objectif : “Engager l’ensemble du Gouvernement dans la planification écologique dans tous domaines de l’État ». Une nouvelle accueillie positivement par la Plateforme Océan & Climat, à la condition que cette formation soit à la hauteur des enjeux actuels et mise en place au plus tôt au regard de l’urgence écologique. Pour ce faire, il est indispensable que l’océan y tienne une place prépondérante, considérant qu’il recouvre ⅔ de la surface de la planète, qu’il est le chef d’orchestre du système climatique et qu’il abrite le plus grand espace de vie sur Terre.

 

L’océan au coeur des défis du 2 1ᵉᵐᵉ siècle

Couvrant plus de 70% de la surface du globe terrestre, l’océan est le premier réservoir de biodiversité de la planète. Sa richesse et sa diversité sont au cœur de nombreuses activités essentielles, comme la pêche et l’alimentation, le transport, l’énergie, la santé, le tourisme. L’océan permet la vie sur Terre en régulant le climat. Il atténue les effets du changement climatique en captant près d’un tiers du CO₂ et en absorbant 93% des excédents de chaleur dus à l’activité humaine, limitant de fait le réchauffement de l’air. L’océan est également vecteur de nombreuses solutions d’adaptation, à l’instar des écosystèmes côtiers protégeant le trait de côté face aux phénomènes d’érosion et de submersion.

 

Cependant, “le changement climatique expose l’océan et ses écosystèmes à des conditions sans précédent depuis des millénaires” (GIEC) et en altère le fonctionnement. Des conséquences largement documentées par les experts du climat (GIEC) et de la biodiversité (IPBES), et devant impérativement être pris en compte dans la formation aux enjeux environnementaux :

  1. Le réchauffement de l’océan : L’excédent de chaleur absorbé par l’océan réchauffe l’ensemble des couches océaniques et entraîne, entre autres, la modification des courants marins et l’augmentation des vagues de chaleur sous-marine.
  2. La désoxygénation : Le réchauffement de l’eau et la croissance excessive d’algues liée aux ruissellements d’origine agricole et industrielle réduisent l’oxygène disponible, menaçant la biodiversité et les ressources halieutiques.
  3. L’acidification : En absorbant du CO2, l’océan devient plus acide, ce qui affecte les organismes marins qui fabriquent un squelette ou une coquille calcifiée, comme par exemple les coraux et un grand nombre de coquillages.
  4. La hausse du niveau de la mer : Au rythme des émissions de gaz à effet de serre actuelles, le niveau des mers pourrait s’élever de plus d’un mètre d’ici 2100.
  5. Les évènements extrêmes : L’augmentation des températures de l’eau de surface accroît la fréquence et l’intensité de certains phénomènes météorologiques extrêmes (typhons, ouragans, etc.).

 

L’IPBES (2019) identifie également quatre principaux facteurs de pression d’origine anthropique et responsables de la dégradation des écosystèmes. Ceux-ci doivent être clairement identifiés dans la formation dispensée :

  1. La surexploitation des ressources : Un tiers des stocks halieutiques sont surexploités (FAO, 2020) en raison de la pression de la surpêche et des pratiques destructrices.
  2. La dégradation et la perte d’habitats : Artificialisation littorale et marine et techniques de pêche industrielle (chalutage, drague, etc.) détruisent les habitats et écosystèmes marins.
  3. Les pollutions : Le déversement de substances chimiques, de contaminants, de plastiques, et les pollutions sonores et lumineuses ont des conséquences importantes sur les écosystèmes (eutrophisation, perturbation des chaînes alimentaires, etc.).
  4. L’introduction d’espèces non-indigènes : Certaines espèces déplacées hors de leur milieu originel (par les eaux de ballaste, etc.) peuvent déséquilibrer l’écosystème dans lequel elles sont introduites.

 

Un océan de solutions pour le climat et la biodiversité

Pour réduire ces pressions et s’adapter à leurs conséquences, l’océan est vecteur de nombreuses solutions pour le climat et la biodiversité qui méritent d’être mises en exergue dans le cadre de la formation. Parmi celles-ci : protéger et restaurer les écosystèmes marins et littoraux (aires marines protégées, Solutions Fondées sur la Nature) ; décarboner les transports et les infrastructures maritimes ; déployer les énergies marines renouvelables (EMR) en préservant la biodiversité ; accompagner la transition des secteurs de la pêche et de l’aquaculture vers des modèles durables. Nombre de ces solutions sont déjà étudiées ou mises en œuvre.

 

S’appuyer sur la communauté des experts de l’environnement

Il est indispensable que cette formation s’appuie sur la science et fasse appel à des scientifiques du climat comme de la biodiversité afin de mettre en lumière les liens entre changement climatique et érosion de la biodiversité. La société civile organisée travaille depuis longtemps sur les questions de formation, de médiation des enjeux scientifiques, et de mise en œuvre des solutions face à la crise écologique. Représentée au sein de la Plateforme Océan & Climat pour les sujets océaniques, elle aura également un rôle à jouer et sera force de proposition pour accompagner une formation accessible et opérationnelle.

La France dispose du deuxième domaine maritime mondial. C’est une opportunité politique et une responsabilité qui l’oblige à considérer la protection de l’océan à la hauteur de l’importance de ses contributions à la vie humaine et à l’ensemble du vivant. L’ensemble des dimensions océan-climat-biodiversité de la crise écologique doivent être appréhendées justement par les décideurs pour asseoir des décisions politiques éclairées. Ces enjeux devraient d’ailleurs être plus mis en lumière au cours des cursus scolaires et de formation des décideurs, notamment des écoles du service public.

La formation aux enjeux environnementaux doit permettre une réelle prise de conscience de l’urgence écologique en se dotant d’objectifs ambitieux (former 100% des hauts fonctionnaires, puis des agents de la fonction publique, y compris territoriale, dans un horizon proche). Elle pourra à cet effet s’appuyer sur une collaboration étroite avec le monde de la recherche et les associations et fondations de protection de l’environnement de la communauté océan, notamment représentés par la Plateforme Océan & Climat.